gouverner par la surprise du verbe
Par L’Alternance – Date: il ya 4 heures 12 minutes
A période exceptionnelle, communication gouvernementale exceptionnelle
? Dans tous les cas, il semblerait que la particularité du lexique
employé par la Transition dans son langage institutionnel relève d’une
tentative de donner une apparence normale à une situation qui ne l’est
point. De la « rectification de la Transition » à la « souveraineté
retrouvée » en passant par la « charte de la Transition » révisée ou
pas, l’exercice s’apparente à celui d’un équilibriste.
Dès les premières heures qui ont suivi la chute d’IBK en aout 2020, un
seul mot est sur toutes les lèvres, le « Mali Kura ». Un vœu émis par
tous, conscients du fait que les maux qui minent le pays sont profonds
et qu’il faille opérer un changement depuis la racine. Les « Assises
Nationales de la Refondation » ont été tenues dans cette optique.
Elles auront permis, en tout cas dans la forme, de recueillir les avis
et aspirations profondes des Maliens sur les enjeux majeurs du pays,
même s’il aura été aussi reconnu que nombres de localités ne purent y
participer. Désormais, ses résolutions constituent la matrice que les
autorités doivent appliquer. Un « Comité Indépendant de
Suivi-Évaluation de la mise en œuvre des Recommandations des Assises »
a été mis en place sous le nom de CINSERE afin de veiller à
l’application des recommandations.
Mais avant, survenait ce qui a été appelé « rectification de la
trajectoire de la Transition », un certain 24 mai 2021. Le président
de la Transition d’alors, Bah N’Daw, et son Premier ministre, Moctar
Ouane ont été « mis hors de leurs prérogatives » par le
vice-président, Colonel Assimi Goita. Cette opération fut qualifiée
par certains de « coup dans le coup ». Dès lors, beaucoup constatèrent
une certaine radicalisation de la Transition se matérialisant par des
ruptures diplomatiques, un durcissement du langage gouvernemental,
entre autres. Les auteurs originels du putsch ne s’en cachaient plus.
Ils n’auraient pas pris autant de risques pour céder le pouvoir aussi
facilement. Désormais, le pouvoir leur appartient exclusivement. Et
depuis, l’on assiste à une « montée en puissance » de l’armée malienne
notamment grâce au nouveau partenaire russe mais aussi à une
réappropriation de l’aspect sécuritaire dans son ensemble par les
autorités de Transition.
Une « montée en puissance » qui aura certainement servi comme argument
à l’instauration d’une journée de la « souveraineté retrouvée » avec
la grande mobilisation du 14 janvier 2022 à Bamako contre les
sanctions de la CEDEAO. Le Premier ministre, Choguel Maiga, dira à cet
effet qu’« il n’y a pas une portion du territoire malien où l’armée
malienne ne peut pas aller ». D’où certainement le fait qu’il ne put
se rendre à Ansongo et Bourem pour des raisons sécuritaires. Et qu’en
même temps, 57 policiers maliens ont été transportés à Ménaka par la
MINUSMA à travers quatre hélicoptères, et ce à la demande du
gouvernement malien. Sans oublier, le fait qu’également les mouvements
composants la CMA fusionnent et que, dans la foulée, ils montent une
opération de sécurisation au nord notamment à Kidal et à Ber, sans
l’aval de Bamako. Ce choix des autorités de la Transition rappelle
fort une terminologie employée aux premières heures du régime d’IBK
lorsque celui-ci avait été déclarée 2014 comme l’« année de la lutte
contre la corruption ». En guise de résultats, nous avons eu « les
engrais frelatés » et les « équipements militaires surfacturés ».
D’autres scandales de corruption suivirent les années suivantes.
Un autre fait qu’il ne faut surtout pas occulter, c’est l’instauration
d’une « Charte de la Transition », qui tutoie la loi fondamentale, et
qui la dépasse même par endroit. L’ordonnancement juridique du pays se
retrouve, tout naturellement, bouleversé. A la faveur de la
rectification, Assimi prêtait serment devant la Cour Constitutionnelle
comme président de la Transition. En ce moment, pour les puristes,
l’on nageait en pleine incohérence. Mais il semblerait que la Charte
l’emporte globalement sur la Constitution, surtout si elle venait à
être révisée car elle fut mise à jour.
Aujourd’hui, face au caractère irréaliste du chronogramme proposé,
l’on parle de plus en plus de « prorogation intelligente » de la
Transition vers sans doute ce qui pourrait être qualifié de « mandat
transitionnel ».
Ahmed M. Thiam
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Source: L’Alternance